Je déménage dans deux semaines et j’ai besoin de boîtes. Sauf que je ne suis pas capable d’en demander. Chaque fois que je vais à l’épicerie, j’y pense et ça me gêne, et je me dis que je pourrai toujours en demander la prochaine fois. Ça va durer comme ça jusqu’à ce que ce soit urgent. Et alors je vais en manquer, et je vais devoir en acheter. Acheter des boîtes. Je suis loser de même.
Après mon évaluation à l’urgence psychiatrique au début de l’automne, on m’a conseillé l’hôpital de jour. J’y ai pris rendez-vous, et quelques semaines plus tard un psychiatre un peu bonasse m’accueillait, flanqué d’une infirmière et d’une stagiaire. Moi j’étais flanqué de mon frère, qui allait plus tard me révéler que la stagiaire avait passé tout l’entretien à faire des doodles sur son pad.
Le psy me pointe une citation d’Einstein sur le mur de son bureau: « We can’t solve problems by using the same kind of thinking we used when we created them. » et avant même que j’aie pu placer un mot, il m’explique que la psychanalyse, c’est pas bon pour les « borderline » comme moi qui sont déjà très accaparés par leur propre esprit. Ça crée un feedback loop de réflexion qui souvent empire les choses.
Non, ce que ça me prend, c’est l’entraînement aux habiletés psychosociales de Marsha Linehan, un traitement de type dialectique, où le but n’est pas de comprendre, mais de se placer dans l’action avec une série de gestes apparemment anodins, mais qui viennent petit à petit à faire tilter notre cerveau. Il me donne cet exemple: aller dans une fromagerie, demander à goûter deux ou trois fromages et partir sans rien acheter. Ça me semble attirant. C’est vrai que ce me ferait changement du divan.
Normalement, c’est un programme qui se donne en six semaines, durant lesquelles le patient (c’est moi, ça!) doit être à l’hôpital tous les jours (d’où le nom « hôpital de jour », duh). Comme j’ai maintenant un boulot, et que je vais déjà beaucoup mieux que lorsque j’étais entré à l’urgence, le bon docteur me donne le petit guide, et me dit: « Vous êtes un garçon brillant, vous êtes capable de le faire par vous-mêmes. »
C’est là qu’il se trompait. J’ai lu tout le guide en me disant souvent « Ah oui, c’est intéressant, faudrait que j’essaie ça », mais je n’ai rien fait. Je ne suis pas allé dans le food court d’un centre d’achats pour demander un verre d’eau, le boire et m’en aller. Pas plus tard que samedi soir, j’étais dans un bar, et j’étais gêné de demander seulement un verre d’eau, alors j’ai pris un shooter de vodka en plus.
Si je suis trop gêné pour demander des boîtes vides à l’épicerie, je me demande comment je vais arriver à l’inviter prendre un verre.
Drôle de conseil… :S
Bordeline, ce n’est pas une question d’intelligence… si tu n’avais pas eu besoin d’une aide extérieure qui te pousse un peu, tu aurais probablement agi avant… Si tu veux des boîtes, j’en ai des tonnes à ma petite place (près de la plaza St-Hubert)… :-)
Ouais… Comme je l’ai déjà dit, je suis plus ou moins d’accord avec le diagnostic de borderline dans mon cas, mais c’est vrai que je souffre de quelques uns des symptômes. En ce sens, le docteur aurait dû se douter que me lancer seul avec les exercices ne fonctionnerait pas. Il n’était pas très brillant lui-même.
Merci pour l’offre de boîtes, mais le lazyweb, ça ne m’aide pas à faire face à mes démons. Je dois demander ces boîtes moi-même, en personne.
Bon, j’ai fait quelques progrès cette semaine.
D’abord, j’ai demandé une frite à un inconnu dans un restaurant.
Ensuite, j’ai retourné un livre chez Renaud-Bray, sans donner de raison.
Enfin, j’ai demandé des boîtes à l’épicerie, pas une, mais bien deux fois. Ils n’en avaient plus. C’est rien pour m’encourager à me renmieuter, franchement.