Je suis chez Jean Coutu. J’attends en file près de l’enseigne « Donnez » du comptoir du pharmacien. Je n’ai que ma prescription à donner, puisque le bon Jean m’a déjà dépanné (un terme d’industrie, apparemment) la semaine dernière alors que je ne la trouvais plus. Ce ne sera pas bien long.
Une employée approche, suivie d’une grande brune qui attire tout de suite mon attention. Elles se dirigent vers une section à côté de moi. J’observe et j’écoute, discrètement. L’employée lui présente les différentes limes à ongles disponibles.
– En avez-vous aux diamants?
Elle me donne l’impression d’être mannequin. Peut-être aspirante mannequin, parce qu’elle marche très mal. Elle vient sans doute de débarquer en ville, pour réaliser son rêve. Elle est très grande, très mince, très jeune et très belle. Aussi, sa peau est parfaite, même sous les néons blêmes d’une pharmacie. Ça me tente de lui demander si ils mettent des vrais diamants dans sa lime à ongles favorite. Et combien elle coûte, tiens.
– Non, on n’en a pas des comme ça. Peut-être que tu pourrais aller voir à l’autre?
– Ah non, j’en arrive de l’autre. Ça fait déjà trois que je fais, j’arrive pas à en trouver.
Tiens, elle est geignarde. Ça fitte avec le profil mannequin. Elle a aussi un côté dégingandé, presque maladroit. On dirait qu’elle a grandi trop vite. Et son visage n’est pas parfait. Il y a un petit défaut, que je n’arrive pas à identifier, mais qui accroche l’oeil. C’est en plein le genre de visages qu’ils recherchent dans ce métier. Ça me tente de lui demander si c’est tellement meilleur avec des diamants que ça mérite un tel magasinage.
Mais c’est à mon tour de parler au pharmacien. Et une fois que j’ai donné mon bout de papier, elle est déjà partie.
j’aime bien tes chroniques de vie tranchée. Et cette belle inconnue qui y est presque toujours au centre!
La dame en bleu seule à sa taaaaable…