En deuxième année, nous étions les meilleurs amis du monde. Nous étions toujours ensemble, à jouer, à nous lancer des défis, à nous taquiner. Je ne me rappelle pas vraiment du détail de nos activités d’enfants, mais j’ai un souvenir diffus de complicité, de bonheur, de plénitude.
L’année suivante, j’ai réalisé que j’étais amoureux d’elle. Elle était grande, elle était belle, elle était brillante, elle était forte. (Et, oui, elle était brune.) Elle battait presque tous les gars dans les sports. C’était la fille idéale. Tous les gars trippaient déjà sur elle. À partir de la troisième année, moi aussi.
Ma vie est tout de suite devenue un enfer. D’abord, j’ai arrêté de lui parler. Une coupure nette. Ensuite, je me suis mis à entretenir des délires obsessionnels sur ses sentiments à elle: « M’aime-t-elle ou non? » Puis, j’ai commencé à me remettre en question: « Suis-je assez beau pour elle? Suis-je assez bon pour elle? Suis-je assez fort pour elle? » (J’étais un chicot. Je le suis toujours.) Enfin, je me suis mis à jalouser férocement tous les autres gars qui daignaient lui adresser la parole.
Au travers de cet enfer, un oasis: chaque année, je l’invitais à mon anniversaire, un événement où les convives étaient triés sur le volet. En général, j’invitais trois personnes. Chaque année, elle acceptait et me faisait l’honneur de sa présence pour un repas et une soirée de jeux. Et l’espace d’une soirée, nous étions de nouveau les meilleurs amis du monde.
En autant que je me rappelle, ces fêtes furent nos seuls contacts pendant quatre ans. Le reste du temps, je n’osais pas lui parler, parce que je n’avais qu’une chose à lui dire (« Je t’aime. M’aimes-tu? ») et que j’étais terrorisé par la réponse.
Puis, vers la fin de l’école primaire, lors d’une partie de ballon-chasseur, un miracle s’est produit. Nous jouions avec repêchage, c’est-à-dire que quand un joueur d’une équipe en tuait un de l’autre équipe, il avait aussi le droit de sauver un de ses coéquipiers éliminés. Ce coéquipier quittait alors la vache pour revenir sur le terrain. Inutile de dire que personne ne me repêchait jamais.
Éliminé de la partie depuis longtemps, je rêvasse à la vache quand quelqu’un me tire par le bras et me fait signe de retourner sur le terrain. J’ai été repêché. Je suis complètement incrédule. Moi? C’est une blague? Et comme je ne bouge pas, elle me fait signe de m’en venir sur le terrain avec elle. C’est elle qui vient de me repêcher, contre toute logique sportive. Je crois que mes genoux ont ramolli, puis que je lui ai souri niaisement. Je lui ai peut-être même dit merci, mais je ne suis pas certain.
Elle venait de répondre par un oui éclatant à la question que je me posais depuis tant d’années, et je n’ai pas su quoi faire. J’aurais dû l’embrasser sur le champ. Nous aurions dû vivre heureux et avoir beaucoup d’enfants. Je pense que j’ai plutôt continuer à l’ignorer. Je n’ai aucun souvenir de la fin de l’année scolaire la concernant.
Puis les vacances sont arrivées, et après les vacances, l’école secondaire. Nous n’allions pas à la même. Je ne l’ai jamais revue.
C’était il y a plus de vingt-cinq ans. J’ai l’impression d’avoir si peu changé. Mon anniversaire s’en vient.
Dear, dear …
Comme c’est étrange, je ressemble très fort à votre premier amour sauf que je suis blonde et que moi j’ai épousé ce meilleur ami … qui par la suite des choses m’a rendue « malheureuse » par le simple fait de ne pas me partager avec les autres.
Par la description de vos sentiments, je pense bien que vous lui auriez fait pareil :-), ce qui est triste, c’est que par cette peur vous avez perdu de superbes moments ensemble et privilégiés. Mais c’est ainsi que pour le moment va la vie …
Big, big kisses
Je crois que la jalousie naît de l’insécurité. Mon insécurité porte principalement sur mon pouvoir de séduction. Une fois dans une relation, elle s’évanouit. Je ne suis pas vraiment du type jaloux ou possessif. Au contraire, le danger qui me guette est de prendre l’autre pour acquis.
Je ne vous connais pas, alors je ne me hasarderai pas à tracer ou réfuter des parallèles entre nos histoires.
Je vous en prie, …
Je n’ai pas voulu vous offencer, désolée de vous avoir froissé. Je ne parlais pas de jalousie ni de possessivité mais simplement de conséquences de partages ou d’absence de partages… Désolée.
Bon alors je dois avouer que je ne comprends pas ce que vous voulez dire par « partage ». Surtout quand vous dites que votre mari refusait de « vous partager », c’est difficile pour moi de ne pas penser que vous parlez de jalousie et de possessivité.
Ceci dit, ce qui m’a le plus offensé, c’est à quel point vous pensez me connaître après la lecture d’un seul article sur un amour avorté d’il y a 25 ans. Je n’aime pas être étiqueté si rapidement. Sans rancune!
Je m’excuse … ce n’était pas mon intention!
Le partage dont je parle est socio-culturel.
Mais vous, pour votre premier grand amour, vous l’avez laissé aux “autres” … avorté comme vous dites. Ce que j’ai voulu dire par après, c’est que pas le “non-partage” vous avez manqués de tendres moments privilégiés.
Sans rancune en effet ;-)
Tendrement Me.
Sans racune , mon vieux. ahah